Une exploration intime — entre tentation, prudence, et désir d’authenticité.
1. D’où viennent nos fantasmes ? Et pourquoi ça nous trouble autant ?
Parfois, un fantasme surgit sans prévenir. Au détour d’un rêve, d’un film, d’une discussion anodine. Et il reste là, collé quelque part dans un recoin de l’imaginaire, à revenir au moment où l’on s’y attend le moins. Un scénario précis, ou au contraire flou mais obsédant. Et très souvent… ça nous pose question. Pourquoi je fantasme sur ça ? Est-ce que c’est normal ? Et surtout : est-ce que je dois le faire ?
Spoiler : non, on ne “doit” rien. Mais se poser la question, c’est déjà un acte de lucidité. De curiosité envers soi-même. Ce qui est plutôt bon signe, en fait.
Le fantasme, c’est un territoire à part. Il n’a pas les mêmes règles que le réel. On y projette des désirs, oui, mais aussi des pulsions, des rôles qu’on n’oserait jamais jouer en société. Il peut être intense, déroutant, parfois dérangeant. Et pourtant parfaitement sain.
Prenons un exemple banal : le fantasme d’être dominé·e. Il revient souvent, chez des personnes très autonomes dans la vie. Est-ce contradictoire ? Pas du tout. Justement. C’est parfois là que réside la clé : dans cette liberté de renverser les rôles, sans conséquences, dans un cadre sécurisé — imaginaire ou réel.
2. Le fantasme n’est pas un plan d’action (et c’est tant mieux)
C’est là qu’il faut faire une distinction essentielle. On confond souvent fantasme et projet. Mais le fantasme n’est pas forcément une envie de passage à l’acte. Il peut exister pour lui-même, comme une forme d’exutoire mental, de frisson intellectuel ou érotique.
Un homme me disait récemment : “Je fantasme sur des relations avec des hommes. Pourtant, je ne me vois pas passer à l’acte, ça ne m’attire pas en vrai.” Est-ce contradictoire ? Non. C’est fréquent. Le fantasme n’est pas une déclaration d’orientation sexuelle. C’est un langage du désir — parfois codé, parfois limpide, parfois un peu tordu.
D’ailleurs, certaines personnes réalisent leur fantasme et… se sentent déçues. C’est même assez courant. Parce que l’imaginaire a cette capacité unique de sublimer, de simplifier, de rendre les choses parfaites — là où la réalité est rugueuse, maladroite, imprévisible.
Prenons un autre exemple : le plan à trois. Fantasme ultra populaire. En théorie, c’est le jackpot de l’excitation. En pratique ? Ça peut vite devenir une usine à malaise : jalousie, désynchronisation, suranalyse… Bref, parfois l’imaginaire est plus confortable.
3. Mais alors… quand (et pourquoi) passer à l’acte ?
Bon, soyons honnête : certains fantasmes méritent d’être vécus. Pas tous, pas tout le temps. Mais certains, oui. Parce qu’ils peuvent ouvrir une porte, une brèche. Vers un mieux-être sexuel, une sensation de liberté, ou simplement une nouvelle forme d’intimité avec soi ou avec l’autre.
Le BDSM, par exemple. Pour beaucoup, ce n’est pas qu’un fantasme “hott”. C’est une façon de vivre des choses profondes : confiance, abandon, pouvoir réversible. Et quand c’est bien fait (j’insiste : avec consentement, règles, mots de sécurité, etc.), ça peut être puissamment libérateur.
À l’inverse, certains fantasmes doivent rester dans le domaine de l’imaginaire. Ceux qui impliquent de franchir des limites éthiques, légales ou psychologiques lourdes. Imaginer une situation où l’on n’a pas le contrôle n’est pas un problème. Mais si on veut la reproduire sans contrôle réel, là, on s’égare.
Bref : entre l’excitation de l’idée et la concrétisation, il y a un monde. Et dans ce monde, il y a… vous. Avec vos émotions, vos valeurs, vos limites du moment.
4. Comment savoir si je suis prêt·e à vivre mon fantasme ?
Pas de test universel, mais quelques questions simples peuvent servir de boussole. Sans jugement, promis :
- Ce fantasme m’obsède-t-il ? (Dans le bon ou le mauvais sens.)
- Est-ce que j’ai peur de ce que ça dirait de moi, si je le réalisais ?
- Suis-je seul·e dans cette envie, ou est-ce quelque chose que je veux partager avec quelqu’un ?
- Est-ce que j’ai un espace de parole pour en discuter ? (Un partenaire, un·e sexologue, un ami non jugeant…)
- Et si je ne le réalise jamais, est-ce que je me sentirai frustré·e ? Ou est-ce que le fantasme me suffit en soi ?
Ces questions ne donnent pas une réponse binaire. Mais elles éclairent. Elles posent le décor intérieur. Parce que souvent, on a envie de faire quelque chose, mais ce n’est pas toujours ce qu’on croit.
5. Ce que nous faisons de nos fantasmes dit beaucoup de nous — mais ne nous définit pas
Ce qui me semble important, c’est de casser une croyance : celle que ne pas réaliser un fantasme serait une sorte d’échec. Ce n’est pas un “objectif de vie”. Ce n’est pas un rêve professionnel. C’est un terrain de jeu. Parfois, on joue. Parfois, on regarde les autres jouer. Parfois, on change de jeu. Et tout ça est parfaitement valide.
La vraie liberté sexuelle, c’est celle d’explorer — mais aussi de dire non. De garder certaines choses pour soi. Ou au contraire, de les crier (ou gémir) haut et fort. De faire de son imaginaire un compagnon, pas un tyran.
Parler de ses fantasmes, même sans les réaliser, peut déjà transformer une vie sexuelle. Créer du lien. De la surprise. De l’humour, aussi. Et parfois, en parler enlève le besoin de les vivre. Comme si mettre des mots suffisait à apaiser.
Conclusion (ou pas)
Alors… dois-tu réaliser tes fantasmes ? Peut-être. Peut-être pas. Peut-être un jour. Peut-être jamais. La vraie question, c’est : qu’est-ce que ce fantasme me dit de moi, aujourd’hui ? Et qu’est-ce que j’ai envie d’en faire — pas pour “réussir” ma sexualité, mais pour être un peu plus libre, un peu plus en accord avec mes désirs ?
Fantasmer, c’est déjà vivre un peu. C’est se donner la permission de sentir, d’imaginer, de trembler. Et ça, en soi, c’est précieux.
Alors écoute-toi. Joue avec l’idée. Tourne-la dans tous les sens. Écris-la, dis-la, chuchote-la, garde-la. Ou vis-la. À ton rythme. Dans ton cadre. Avec tout ce que tu es — et rien que ça, c’est déjà énorme.